Thèses de 2010

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Regards croisés francophones et portugais : les images des Portugais dans la littérature romanesque contemporaine (1950-2000)

Thèse soutenue par Marie Isabelle Vieira

 

 

Le 9 mars 2010 à l’Université de Paris Ouest – Nanterre la Défense et préparée en cotutelle avec l’Universidade Nova de Lisboa sous la direction de Messieurs Jean-Marc Moura et Álvaro Manuel Machado.

 

 

Cette étude en imagologie, qui requiert l’interdisciplinarité, explore les représentations des Portugais dans la production romanesque de deux littératures française et portugaise de 1950 à l’an 2000, période pendant laquelle ils deviennent la première communauté étrangère en France à la fin des années 70.  La présence de la figure du migrant portugais dans les œuvres constitue le lien entre les deux corpus qui se composent d’une centaine de textes, fruit d’une recherche dans les bases de données bibliographiques (Frantext, Electre, Europresse), anthologies et revues (Vértice, Colóquio/Letras, Peregrinação, Latitudes) pour aborder un sujet peu étudié et révéler des auteurs et œuvres peu connus ou méconnus. Ce travail est donc une tentative pour restituer les différentes stratégies qu’empruntent les écrivains français et portugais pour représenter les Portugais en situation migratoire, sachant qu’ils n’apparaissent véritablement dans le roman en France qu’après 1974 et, qu’au Portugal, la censure frappe les écrits sur l’émigration jusqu’à cette date, qui sera également une des balises temporelles de notre thèse. Ce décalage entre « réel » (forte présence portugaise) et « représentation » (assez faible présence du migrant portugais dans les romans), nous a poussée à approfondir le contexte historique, sociologique et politique. Nous avons enfin écarté de notre travail, les écrits des descendants de migrants portugais, ainsi que les romans de primo-migrants ayant choisi la langue française, leur production littéraire ne surgissant que dans les années 90 pour être florissante après l’an 2000, au-delà de notre limite temporelle.

 

La thèse comporte trois parties : la première intitulée « L’imaginaire identitaire portugais » est un socle référentiel qui introduit la question identitaire, indépendamment de toute littérature ou fiction, telle que les Portugais l’ont rêvée, comprise ou bien étudiée (auto-images) ainsi que les Français (hétéro-images). Par conséquent, sont présentés les discours et images véhiculés par les sciences humaines et sociales, mais également ceux distillés par les services de propagande et les différents guides touristiques destinés aux étrangers, tout particulièrement au moment des expositions mondiales ou universelles, qui font apparaître sous le regard portugais « une identité exacerbée », et sous le regard français « une identité comparée » à celle de l’Espagnol.

 

Par ailleurs, les discours migratoires dans les pays respectifs sont également analysés. Le Portugal, étant un pays émetteur de main-d’œuvre, occulte l’émigration vers l’Europe pour diffuser l’image des Portugais ayant un esprit d’aventure (peuple de marins et de découvreurs), « le bon émigré » étant le colonisateur. Après la chute de la dictature et l’indépendance de ses colonies, les « émigrés de par le monde » deviennent une ramification de la mère-patrie et les mesures politiques prises sont destinées à maintenir le cordon ombilical. Pays récepteur, la France a tenté d’intégrer les diverses vagues migratoires, l’immigration portugaise étant néanmoins la plus nombreuse en 1975, en distinguant les Européens et les non-Européens. Cette dichotomie est renforcée par l’entrée du Portugal dans la CEE, l’« invisibilité » de la communauté portugaise constitue cependant leur caractéristique car, aux yeux de l’opinion publique française, l’immigration n’est pas cristallisée par un Portugais mais par un Maghrébin.

 

Enfin, « les mythes identitaires portugais » sont abordés en tenant compte de la dimension mythique de l’identité nationale telle que formulée par José Gabriel Pereira Bastos, anthropologue, lorsqu’il s’attaque au répertoire de chansons populaires qui renferment des traits auto-attribués aux Portugais tout en mettant en évidence le rôle de la propagande et du régime dans leur diffusion. Les « mythes historiques » tel D. Sebastião, ou encore les « mythes féminins », à savoir : « la religieuse portugaise » et Inês de Castro apparus dans un monde guerrier en déplacement, sont évoqués tant les représentations de l’étranger peuvent rencontrer le mythe dont la littérature française se nourrit tout particulièrement.

 

La deuxième partie, « Images littéraires des Portugais avant 1974 », concerne les romans, peu nombreux durant ce quart de siècle, dans lesquels un personnage portugais évolue alors qu’un flux considérable d’immigrés arrive sur le sol français le plus souvent clandestinement. Cette dissymétrie entre personnage littéraire portugais et nombre de Portugais présents en France est intéressante dans la mesure où ces derniers n’incarneront pas chez les écrivains français la figure du migrant ou de l’étranger, de même qu’au Portugal, peu de romans sont édités car la censure pèse sur les textes évoquant l’émigration ou l’exil vers l’Europe. En effet, comme nous l’avons vu, le régime distingue le migrant héroïque qui dilate les frontières (navigateur, colon) de celui qui passe les frontières « a salto ».

 

Les œuvres publiées soumises aux censeurs doivent donc suivre l’idéologie du Portugais-aventurier, encenser l’émigration vers les colonies, ou bien mettre en scène l’échec du parcours migratoire vers la France dans le but de dissuader les départs massifs vers l’Europe. Les différents rapports de censure trouvés dans les Archives (Torre do Tombo) que nous avons reproduits viennent étayer cette thèse et mettent en évidence une censure instituée et parfois arbitraire, tout comme certains éditeurs se révèlent contestataires et engagés, les écrivains et intellectuels n’hésitent pas non plus à signer des pétitions appelant à l’abolition du régime de censure.

 

Le roman portugais consacre alors les figures de l’étudiant, du migrant ou de l’exilé, dont le départ doit toujours être volontaire, malgré les stratagèmes déployés par les écrivains pour contourner la censure, à l’exemple d’Urbano Tavares Rodrigue qui suggère, de manière voilée, la réalité d’un pays autoritaire, alors que le roman français, tout particulièrement « les infréquentables d’après-guerre » (Jacques Chardonne, Pierre Benoit, Paul Morand), sympathisants des idées de Salazar, méconnaissent le migrant portugais préférant les figures historiques liées au Portugal largement diffusées par la propagande portugaise et seul les écrivains français non entachés de collaboration (Simone de Beauvoir, Las Vergnas) démystifient l’image du pays donnée par le pouvoir et créent des personnages d’opposants au régime.

 

Ce n’est qu’après la Révolution des œillets que les figures du Portugais sortent de leurs chrysalides, et c’est l’objet de la troisième partie : « Images littéraires des Portugais après 1974 ». Cet événement historique qui met fin à la dictature braque les projecteurs sur les Portugais de France. Les immigrés portugais, les familles portugaises et les jeunes issus de l’immigration entrent en littérature pour représenter des dominés (esclave/primitif chez Henri Troyat et Robert Escarpit), des marginaux (tout particulièrement la deuxième génération chez Christian Giudicelli), mais prennent également vie des personnages « intégrés » (Eric Holder), la mort tragique prématurée parachevant presque toujours leur destinée. Certains écrivains français choisissent parfois de « se perdre » dans ce « jardin en bord de mer planté » sans jamais rencontrer un Portugais (Cf. tous les romans où Lisbonne est présente dans le titre) ou s’emparent d’autres figures portugaises relevant de l’histoire nationale : « acteurs de la Révolution des Œillets » (Dominique de Roux) ou « navigateurs », « un amour portugais » féminin devient possible et l’exotisme de « l’ekphrasis » se manifeste tout particulièrement dans l’œuvre de Pascal Quignard qui utilise les azulejos du Palais Fronteira.

 

Au Portugal, l’avènement de la démocratie, met sur la place publique les thèmes de l’exil politique et de l’émigration économique bien distincts (un exilé n’est pas un émigré) qui étaient jusque là honnis, les auteurs interrogeant désormais leur identité ainsi que le retour au pays natal. Si Olga Gonçalves s’attache à l’émigration économique à trois reprises (A floresta em Bremerhaven, Este verão, o emigrante là-bas, Eis uma história), Alvaro Manuel Machado remet chaque fois sur le métier l’expérience de son exil parisien pour en faire la matière presque exclusive de son œuvre où l’absence engendre un impossible retour. Les parcours ascensionnels et de réussite sociale traversent également les romans portugais (Julia Nery, Graciete Besse et Diogo Conde).

 

Devenu « Européen » en 1986, le Portugais circule désormais dans une Europe sans frontières et effectue des déplacements sans contraintes et assumés, l’Européen étant la nouvelle image du Portugais qui endosse un habit plus prestigieux ; certains auteurs revendiquent l’ambivalence de leur identité : portugaise et française, renforcée par l’appartenance à l’Union Européenne, ainsi l’écrivain Manuela Degerine intègre presque systématiquement un Portugais en France ou de retour au Portugal et en fait un ressort d’une poétique personnelle.

 

Il en résulte que les images émises par Salazar ont été parfois indélébiles perdurant parfois jusqu’à nos jours, servies par des écrivains, admirateurs du dictateur, qui se sont approprié les thèmes portugais le plus souvent historiques ; ainsi peu de voix littéraires, dénonciatrices du régime portugais à l’image de Simone de Beauvoir ou de Las Vergnas, se sont élevées avant 1974.

 

Les images apparaissent, donc, dénaturées pendant le 3e quart du 20e siècle par l’appareil de propagande orchestrée par le régime, très efficace, séduisant les écrivains français et force est de constater que les déplacements massifs d’hommes n’ont pas trouvé de grande résonance littéraire. Il faut attendre la Révolution des œillets et le dernier quart du 20e siècle pour que le Portugais et tout particulièrement le migrant investisse les œuvres, avec une palette d’images plus large. Par conséquent, un tableau d’ensemble des images des Portugais a pu être dégagé avec une typologie des personnages propre à l’une et l’autre littérature. Les deux littératures ne se sont que très rarement rencontrées, le peu de traductions survenues en est le témoin.

 

 



Le Romantisme portugais: contrastes et résonances

Thèse soutenue par Luís Alexandre Rodrigues-Sobreira

 

 

Présentée devant l'Université de la Sorbonne - Paris 4, le 6 décembre 2010

sous la direction de Maria Graciete Besse

 

Cette thèse revisite le  Romantisme portugais, non pas pour le réécrire, mais plutôt pour le déconstruire, en problématisant la vision institutionnelle véhiculée par la doxa et par les manuels scolaires, vision en général tronquée, partiale et figée. Autrement dit, il s’agit de démontrer qu’à cette époque, au Portugal, la littérature ne se résume pas à un groupe restreint d’auteurs dont l’oeuvre répond en grande partie à un projet de construction spirituelle de la nation (de type libéral), mais qu’elle est en réalité assez diverse et hétéroclite.

 

Pour aboutir à une représentation des différents pôles constitutifs du champ littéraire portugais de l’époque romantique (selon la théorie de Pierre Bourdieu), l’auteur a conçu une enquête organisée autour de trois axes principaux.

 

Le premier est consacré à «la littérature “utile” ou civique» (symboliquement dominante), incarnée en l’occurrence par le roman moral A Virgem da Polónia, de José Joaquim Rodrigues de Bastos et par le roman historique Eurico, o Presbítero, d’Alexandre Herculano. Au Portugal, vu le contexte de guerre civile et les vicissitudes du nouveau régime constitutionnel, il est naturel que les écrivains se soient érigés en guides de leur peuple afin de reconstruire l’unité nationale perdue. L’écriture devient ainsi un acte engagé à travers lequel l’auteur construit sa vision de la patrie. Cependant, toute représentation de l’identité nationale étant par définition une projection idéologique, il est normal que l’on voie apparaître des divergences quant à la nature du projet de nation que la littérature devait aider à construire. Effectivement, le roman moral de Rodrigues de Bastos et le roman historique d’Herculano suggèrent des projets de régénération nationale antinomiques à travers lesquels on devine un conflit d’idéologies, de générations et de modèles de société. Le conservatisme de l’un et le progressisme de l’autre se reflètent déjà à la base dans les genres littéraires qu’ils cultivent.

 

Le deuxième axe correspond à la «littérature “futile” ou mercantile» (pour continuer à utiliser les expressions de l’époque). Curieusement, au même moment où l’on assiste au sacre de l’homme de lettres en tant que prophète des temps modernes, refusant le matérialisme bourgeois et œuvrant pour la régénération de la patrie, une autre figure d’auteur, sorte de mercenaire des lettres, et une autre conception de littérature - «facile» ou «industrielle» -, calquée sur le modèle du roman populaire français, prennent de plus en plus d’ampleur. Comme il résulte clairement de l’analyse du roman d’aventures A Mão do Finado, d’Afredo Possolo Hogan (suite apocryphe du Comte de Monte-Cristo), au conformisme idéologique de cette littérature d’évasion s’ajoute son conventionnalisme esthétique. Quant au style de ces œuvres, dont la plupart résultent de la commande des directeurs des journaux ou des éditeurs qui les publiaient sous forme de  feuilleton ou de fascicules, il souffre des contraintes liées à l'urgence de la remise et aux exigences de volume.

 

Entre-temps, il est aussi intéressant de noter que, contrairement à ce qui s’est produit en France où la diffusion du roman populaire (grâce notamment aux collections bon marché et aux cabinets de lecture) a contribué au déclin de la «littérature de colportage», au Portugal ces deux phénomènes coexistent de manière pacifique. Au-delà de la vitalité de ce type de littérature en plein XIXème siècle, illustrée en l’occurrence par le succès de Maria! Não me Mates, que Sou Tua Mãe!, de Camilo Castelo Branco, il importe surtout d’analyser l’enseignement que l’auteur a tiré de cette expérience marginale. On peut dire que ce “genre” mineur lui a donné le goût des thèmes passionnels et de la création fictionnelle à partir de l’actualité. Le passage de Camilo par la littérature de colportage, dans le but de gagner un peu d’argent, représente d’un autre côté l’avènement d’une stratégie auctoriale qui remettra profondément en cause la conception de la littérature et le statut d’écrivain jusque-là dominants. En effet, Camilo n’hésite pas à assumer la professionnalisation de l’homme de lettres et à rejeter toute sorte de didactisme ou d’engagement, au nom de l’indépendance créatrice de l’artiste.

 

Enfin, on ne peut pas ignorer la place et la fonction qu’occupe la littérature traduite dans le champ littéraire portugais de l’époque romantique. C’est l’objet de la dernière partie de ce travail, inpirée de la méthode d’analyse historique des Études de Traduction de langue anglaise. Si les chefs de file du Romantisme portugais reconnaissaient le rôle décisif que l’importation et l’assimilation des modèles étrangers avaient joué dans le renouveau de la littérature portugaise, ils estimaient cependant qu’une traduction effrénée constituait une véritable atteinte à la langue et aux traditions nationales. En outre, leur discours critique vis-à-vis des auteurs étrangers est marqué par leurs propres valeurs esthétiques et idéologiques, qu’ils s’efforcent de préserver.

 

La manière dont Castilho a pratiqué la traduction, en nationalisant le fond et la forme des œuvres étrangères, a elle aussi contribué à renforcer l’atavisme national. La polémique autour de la publication de sa traduction du Faust sera l’occasion pour la nouvelle génération de dénoncer le caractère anachronique et sclérosant de cette méthode traductive, d’imposer l’esprit positiviste au Portugal et d’ouvrir les portes au réalisme-naturalisme en littérature.

 

Voilà en somme comment, en combinant l’analyse socio-littéraire de quatre oeuvres très éloignées du point de vue esthétique et axiologique avec l’étude historique des traductions, cette thèse donne une vision moins idôlatre et moins figée de la littérature produite au Portugal pendant la période romantique. Période dont on n’apercevait pas toujours auparavant le caractère polyphonique et la dynamique tensionnelle, par un  effet pernicieux des habitudes disciplinaires.

 

 



 

Le plurilinguisme dans le roman portugais contemporain (1963-1983): caractéristiques, configurations linguistiques et énonciatives

Thèse de doctorat soutenue par Isabelle Simões Marques

 

 

Le 7 décembre 2009 à l’Université Paris 8 – Saint-Denis

Préparée en co-tutelle sous la direction de Mesdames les Professeurs Maria Helena Araújo Carreira (Université paris 8) et de Fernanda Miranda Menéndez (Université Nouvelle de Lisbonne).

Jury composé des Professeurs Graciete Besse, de l’université de la Sorbonne – Paris IV, Catherine Dumas, de l’université Paris III – Sorbonne Nouvelle, et de Madame Isabel Margarida Duarte, « professora associada », de l´université de Porto.

 

Cette étude se concentre sur les questions relatives au recours au plurilinguisme littéraire, afin de comprendre pourquoi et comment les écrivains insèrent « l´étranger » dans leurs textes et comment le plurilinguisme exprime, par le biais du choix des langues, un questionnement sur l´identité et l´altérité. La littérature thématise fréquemment la question de l’Autre et l´hétérogénéité est l´une des marques fondamentales des romans choisis pour cette étude. Cette présence de l’altérité comme thème et pratique discursive s´est présentée comme le défi de cette analyse nécessairement multidisciplinaire : les points de vue historique, sociologique, rhétorique et linguistique ont été ici convoqués.

La période choisie se situe au carrefour de changements importants dans la société portugaise. Le point d’ancrage a été la Révolution de 1974, les dix années qui l’ont précédée et les dix années qui l’ont suivie (1963-1983). Ainsi, nous avons cherché à savoir à quel point le contexte politique et social a pu conditionner les œuvres littéraires du corpus. De cette façon, des écrivains exilés ou ayant participé de près ou de loin à la guerre coloniale, sont, dans la plupart des cas, des écrivains plurilingues. Nous avons donc décidé d’analyser ces thématiques contemporaines à la dictature c´est-à-dire l´exil, l´émigration et la guerre coloniale.

Notre intérêt étant comparatif, nous avons tenté de choisir des œuvres représentatives de leur époque et de comprendre les répercussions que le contexte historique et social a pu avoir sur l´incorporation linguistique de l´étranger, en privilégiant différents points de vue. Concernant la période qui précède la Révolution des Œillets nous avons intégré Exílio perturbado (1963) de Urbano Tavares Rodrigues, A salto (1967) de Nita Clímaco, O disfarce (1968) d´Álvaro Guerra et Não quero ser herói (1970) d´António de Cértima. Concernant la période post-révolutionnaire, nous avons choisi Este verão o emigrante là-bas (1978) d´Olga Gonçalves, Percursos (do Luachimo ao Luena) (1981) de Wanda Ramos, Square Tolstoi (1981) de Nuno Bragança et Nó cego (1983) de Carlos Vaz Ferraz.

Nous ne nous sommes attachés qu’au plurilinguisme externe c’est-à-dire à la présence de différentes langues étrangères dans les œuvres. Les auteurs, en faisant cohabiter plusieurs langues dans leur roman, visent des effets de style mais aussi de rythme. Ce choix stratégique conscient et assumé participe à la création des effets de langue.

Les romans du corpus sont majoritairement des romans autobiographiques. Ce que les auteurs évoquent dans leurs œuvres est fortement lié à des situations qu´ils ont vécues. Nous considérons que plurilinguisme et autobiographie sont deux notions liées.

En effet, la subjectivité de l´être humain est multivocale et le genre autobiographique intègre le dialogisme. La question de la vraisemblance et de « l’effet de réel » a été abordée sous deux angles différents: la vraisemblance des romans autobiographiques et la volonté mimétique par le recours au plurilinguisme littéraire.

L’étude s’est organisée en trois parties. Ainsi, une première partie a permis d’approfondir la question du plurilinguisme dans la société et dans le texte littéraire et à problématiser la notion de plurilinguisme littéraire. La deuxième partie s’attache à l’analyse des caractéristiques structurelles et thématiques des romans plurilingues du corpus. La thématique même du roman est propice à inclure la question de l´étranger et de l´altérité, en tenant compte du contexte historique et social. La présence de différents éléments autobiographiques nous a poussé à approfondir les liens entre Histoire et mémoire.

La troisième partie a compris l´analyse linguistique et énonciative de différentes occurrences plurilingues des romans du corpus. L’étude des emprunts et des interférences linguistiques présents dans les discours des narrateurs permet de comprendre les effets visés dans les romans. Les dialogues bilingues des personnages ont permis de distinguer les cas d´alternance de langues et les cas de mélange de langues. Finalement, la question de la plurivocalité a été située au sein du plurilinguisme, avec les cas d´hétérogénéité montrée et de discours rapporté et, ensuite, les situations d´hétérogénéité constitutive présents dans les romans au niveau transtextuel.

La littérature est une pratique de langue active et singulière. Les emprunts, discours bilingues et autres manifestations linguistiques étrangères révèlent la nécessité de traduire un imaginaire spécifique par des moyens propres à le manifester. La littérature est ainsi tributaire et bénéficiaire de la pluralité des langues. Le plurilinguisme littéraire offre ainsi un champ d´investigation novateur et nous espérons avoir contribué à une meilleure compréhension de ce domaine et, par là, de la littérature portugaise contemporaine.

 

 


 

 

O repertório do Teatro da Cornucópia (1969­-1979), espelho de uma obra teatral num período revolucionário

 

Tese de doutoramento de Marie-Amélie Robilliard

 

 

realizada em cotutela sob o orientação do Professor Doutor Jean-Pierre Sarrazac (Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle) e da Professora Doutora Christine Zurbach (Universidade de Évora)

 

Neste trabalho, procurámos elaborar um instrumento metodológico partindo da noção de repertório com o fim de estudar o percurso artístico do Teatro da Cornucópia, grupo de teatro lisboeta criado em 1973 e dirigido até 1979 pelos encenadores Luis Miguel Cintra e Jorge Silva Melo, mas cuja « pré-história » (Eduarda Dionísio) começa em 1969. Entre 1969 e 1979, Cintra e Silva Melo representam dezasseis espectáculos, entre os quais quatro clássicos, duas peças de Brecht, Ah Q de Chartreux e Jourdheuil, uma peça de Gorki, outra de Horváth, um texto português contemporâneo, uma peça para a juventude, três peças do Teatro do Quotidiano, Woyzeck de Büchner e uma montagem de sketches de Karl Valentin.

O termo de repertório designa duas realidades que convém distinguir. Refere-se primeiramente a um património teatral, às peças que uma « companhia de repertório » ou um teatro nacional tem por obrigação de encenar com regularidade. No sentido mais amplo, o repertorio é um conjunto de peças cujos parâmetros podem variar sem no entanto incluir qualquer ideia de conservação. Fala-se assim do repertório dum país, duma companhia ou dum encenador ou até dum actor. Partindo deste segundo significado, estabelecemos um método que consiste em estudar o repertório tendo em consideração o contexto histórico em que se inscreve, o projecto definido pela companhia que o compõe e, finalmente, a obra teatral do encenador ou da equipa artística.

Na primeira parte, tentámos estabelecer ligações entre, por um lado, as condições materiais e o clima cultural de Portugal e, por outro, o repertório de Cintra e Silva Melo. Durante esse período muito movimentado, temos o fim da ditadura,  com a chegada de Marcelo Caetano ao poder em 1968, governo que é substituído pelo Processo Revolucionário Em Curso (PREC)  de Abril de 1974 a Novembro de 1975 e em seguida pela instauração duma democracia de tipo parlamentar. Essas mudanças têm uma repercussão na programação do Teatro da Cornucópia e na composição do seu repertório. Assim, a escolha dos textos não é só determinada pelas condições materiais impostas pelo regime salazarista e pela política cultural instável do período posrevolucionário mas também é representativa da evolução cultural do país: escolha de clássicos autorizados pela censura durante a ditadura (António José da Silva, Cervantès, Molière, Marivaux), de peças politizadas durante o PREC (Brecht, Gorki) e finalmente de textos que revelam a ligação do Teatro da Cornucópia com a produção teatral europeia (Teatro do Quotidiano, Horváth, Büchner, Valentin).

Na segunda parte, definimos o projecto do Teatro da Cornucópia, partindo dum retrato da equipa artística, de textos de apresentação da companhia e duma descrição do público ao qual se dirige. O grupo, oriundo do meio universitário e dirigindo-se prioritariamente à burguesia lisboeta, procura transformar a sociedade, reformar o teatro e formar o público do seu país. Sendo os dois encenadores defensores de um « teatro de texto », segundo a tradição do « teatro de arte » definido por Georges Banu, partem de uma renovação do repertório para alcançar esses objectivos. Nessa óptica, privilegiam a encenação de peças propriamente ditas (62%) em detrimento de « composições dramatúrgicas » (Bernard Dort) procurando editá-las e divulgá-las junto ao público. Escolhem sobretudo peças desconhecidas do público português (71%), escritas especialmente por autores nunca antes encenados em Portugal (41%). O repertório consta de uma maioria de textos estrangeiros (87%), particularmente franceses e alemães, sobretudo durante o período pos-revolucionário. A partir de 1975, o Teatro da Cornucópia instala-se num espaço próprio – o Teatro do Bairro Alto – e propõe, além dos espectáculos, numerosas actividades, também representativas do seu projecto: leituras de textos portugueses contemporâneos, acolhimento de espectáculos, estágios, reuniões políticas…

Por fim, na terceira parte, procurámos examinar a obra teatral dos encenadores através do seu repertório e do comentário que eles próprios elaboram, ou seja o discorso segundo a expressão de Giorgio Strehler. O conjunto dos « textos cénicos » ou « espectaculares » (Bernard Dort), isto é os textos interpretados por Cintra e Silva Melo, fornece uma imagem das suas encenações. Estudando as peças representadas e sobretudo as notas de encenação incluídas nos programas (que traduzimos integralmente), tentámos demonstrar que o repertório, corpus interpretado para ser encenado, é um espelho da obra teatral. A elaboração dramatúrgica que revelam essas notas questiona não só a transformação de um dado texto em espectáculo mas o seu lugar no conjunto do repertório e, por conseguinte, do percurso artístico da companhia. Este último organiza-se em torno de três eixos – como criticar a sociedade, como representar o período revolucionário, como falar da realidade portuguesa – que analisámos em três capítulos: o teatro crítico, o teatro da revolução e um teatro do desvio e do cruzamento.

 

 


 

 

La création romanesque chez António Lobo Antunes : des clés d’écriture aux clés de lecture

 

Andreia Catarina Dos Reis Vaz – Warrot

 

 

Thèse soutenue le 8 décembre 2009, préparée en co-tutelle entre l’Université Paris 8 et l’Université Nouvelle de Lisbonne

Sous la direction de Mmes les Professeurs Maria Helena Araújo Carreira et Madame Fernanda Miranda Menéndez

 

L’œuvre romanesque d’António Lobo Antunes ne laisse pas indifférents ceux qui la lisent, car il s’agit d’une œuvre qui peut aussi bien rebuter le lecteur que l’attirer. En effet, les réactions à ces livres sont souvent très émotionnelles : soit ils sont aimés soit ils sont rejetés. L’indifférence ou la neutralité ne sont pas applicables aux romans de Lobo Antunes, car le style souvent désarçonne le lecteur. Pourtant ses œuvres sont pour la plupart des best-sellers. La question qui découle de ce constat est donc la suivante : pourquoi les livres d’António Lobo Antunes donnent-ils cette impression de difficulté ? Et pourquoi, malgré cela, attirent-ils autant les lecteurs du monde entier ? D’où vient cette difficulté ? Pouvons-nous la relier avec la complexité des thèmes choisis ou plutôt avec la façon particulière de les transmettre ?

Pour répondre à ces questions, nous avons orienté nos recherches du côté de l’analyse des textes et nous avons choisi, parmi les romans d’António Lobo Antunes, ceux qui illustrent le mieux notre démarche, à savoir : déconstruire et mettre en relation cette façon singulière de dire et d’écrire pour mieux cerner le sens, c’est-à-dire pour mieux comprendre.

La complexité de notre corpus constitué de dix créations romanesques de l’auteur requiert une approche interdisciplinaire. Le cadre théorique et méthodologique s’enrichit de la linguistique et de la littérature, piliers de notre étude, et puise des éléments appartenant à d’autres domaines, tels que la musique.

L’étude s’organise en trois temps. La première étape consiste à analyser les «préceptes» exprimés par  Lobo Antunes pour écrire et aussi pour lire. Cette  première partie constitue ce qu’on a appelé  «L’Art Poétique d’António Lobo Antunes», et son noyau est constitué par l’étude de la problématique du «comment écrire» et du «comment lire», du point de vue de l’auteur. Les opinions de l’écrivain sur sa façon d’écrire et de lire constituent-elles un «art poétique» ? Si tel est le cas, la connaissance de ce dernier (que l’auteur le respecte parfaitement ou non) facilite-t-elle l’accès à ces œuvres ? La problématisation des concepts d’imitation, de récit, de fiction ainsi que de construction narrative ont permis de détacher deux voies d’analyse de l’œuvre de Lobo Antunes : la voie de l’écrivain, illustrant la problématique du «comment écrire» ? et celle du lecteur, centrée sur la question du «comment lire Lobo Antunes» ?

En toute logique, la deuxième partie de l’étude est consacrée à l’approfondissement des préceptes issus de l’art poétique de l’auteur, concernant les clés d’écriture. Pour les déceler, la recherche se focalise sur l’analyse de l’organisation discursive et énonciative présente dans ces œuvres romanesques. L’étude a été menée selon trois perspectives : l’organisation spatio-temporelle de l’œuvre romanesque d’António Lobo Antunes qui permet de déceler diachroniquement les techniques employées et développées par l’auteur en les confrontant également à une organisation spatio-temporelle «traditionnelle» ; l’organisation énonciative des créations romanesques de l’auteur – par l’analyse des  rapports qui s’établissent entre les différentes voix qui peuplent les œuvres romanesques du corpus : voix du narrateur et de l’auteur, formes canoniques de récit de paroles et formes diffuses de représentation du discours «autre» ;  finalement,  construction du texte par comparaison à la construction d’une composition musicale. En effet, l’auteur a reconnu l’importance que la musique et les musiciens ont occupé et occupent encore dans sa formation d’écrivain, ce qui induit à les considérer comme des clés d’écriture. L’étude de quelques procédés permet de faire ce rapprochement : le rythme, la ponctuation, les silences et les espaces blancs, entre autres.

La troisième partie de ce travail est donc orientée vers la «découverte» des clés de lecture et ainsi sur le processus de lecture des œuvres romanesques d’António Lobo Antunes. Après l’analyse des premiers indices de lecture auxquels le lecteur est confronté, c’est-à-dire aux indices de lecture présents dans les éléments péritextuels et qui conditionnent l’horizon d’attente du lecteur, nous avons étudié le rôle du lecteur  dans la création romanesque sous l’angle de la coopération textuelle. Placé devant une réalité dont le sens lui est encore étranger, le lecteur doit trouver les questions et les réponses qui lui révéleront la façon d’avancer dans la compréhension du texte. Finalement, en vue de compléter cette approche du rôle du lecteur dans la construction de l’œuvre romanesque, nous avons analysé le rôle du traducteur en tant que lecteur expert qui laisse des traces de sa lecture dans  le texte traduit qu’il réécrit. Cette lecture rendue publique porte en elle des empreintes du lecteur, mettant en évidence de nouvelles clés de lecture.

Cette étude aspire à contribuer à une meilleure connaissance de l’écriture d’António Lobo Antunes et, par là même, de l’œuvre romanesque, à la fois intrigante et passionnante, de cet écrivain portugais contemporain.

 

 

 


 



Le supplément Glacial A União das Letras e das Artes (1967-1974) et l’affirmation du champ littéraire açorien,

Lusa Maria de Melo Ponte

 

Thèse préparée sous la direction de Mme le Professeur Maria Graciete Besse, et soutenue le 3 décembre 2010, à l’Université Paris Sorbonne – Paris IV.

 

 

L’objectif de cette étude est de faire sortir de l’ombre un supplément culturel et littéraire intitulé Glacial A União das Letras e das Artes, et de montrer comment il participe au processus d’autonomisation du champ littéraire açorien. Créé par Carlos Faria, un continental passionné par les îles açoriennes, Glacial a été publié dans A União, un  quotidien  de la ville d’Angra do Heroísmo (île Terceira, Açores), depuis juillet 1967. Il s’est arrêté soudainement, en juin 1973,  mais ressurgit, six mois plus tard, en tant que revue autonome, distribuée par la galerie d’art Degrau. Instaurant une nouvelle conjoncture politique et culturelle, la Révolution des Œillets déterminera la fin de ce supplément, en 1974.

 

Pour atteindre cet objectif, l’étude part d’une analyse historique et sociologique qui convoque les notions de champ, d’identité et de valeur, en tant que fils conducteurs de la recherche.

La thèse comporte trois parties. La première, intitulée « Les Açores : affirmation d’une identité », est orientée vers l’encadrement historique du Supplément. Elle expose les grandes lignes du processus d’affirmation de l’identité açorienne dans l’espace national portugais, tout en suivant l’évolution du champ politique, du champ culturel et du champ littéraire de l’Archipel, depuis la fin du XIXème siècle. Partant d’une réflexion sur les notions d’autonomie, d’identité et de région, l’histoire des trois mouvements autonomistes açoriens est présentée : l’analyse du discours autonomiste montre comment il s’est enrichi et fondé sur l’élaboration d’un discours identitaire. Cette affirmation identitaire des Açores inclut des aspects culturels et les traits principaux de l’évolution du champ culturel açorien sont esquissés, en prenant comme fil conducteur l’action des agents sociaux et des instances de légitimation créées dans l’Archipel, dès les commencements du XXe siècle. Une attention particulière est accordée aux conditions d’émergence des Lettres açoriennes, ainsi qu’à l’analyse des tendances fondamentales de leur évolution, en tenant compte de l’importance de ce processus dans l’affirmation de l’identité de l’Archipel. La présentation de la vie culturelle d’Angra do Heroísmo, durant les décennies de 1950 et de 1960, ainsi qu’une brève analyse du journal A União complètent ce panorama qui encadre Glacial.

 

La deuxième partie de la thèse, intitulée « Glacial : itinéraires et stratégies discursives », met en lumière le système des valeurs proposées, ainsi que les lignes de force autour desquelles le Supplément s’est construit en tant que « texte » profondément cohérent. Nous centrons notre attention sur l’évolution de Glacial et décrivons ses caractéristiques formelles, les modifications dans son nom, le renouvellement dans la coordination, les circonstances qui ont déterminé sa parution et sa disparition, sa production éditoriale, enfin, les options et les différentes étapes de son itinéraire textuel, ainsi que la conception de l’Art qui lui est sous-jacente. Cette partie établit aussi le lien entre l’œuvre elle-même et l’engagement social de ses coordinateurs, c’est-à-dire, leur intervention dans l’espace des possibles de la société de l’époque tout en soulignant leur sens du placement. Cela permet de revenir au cadre social qui entourait Glacial, et constitue aussi l’opportunité d’ébaucher le contexte artistique et littéraire du Portugal des années 1960, tout en rappelant la conjoncture sociopolitique et culturelle européenne de l’époque.

 

La dernière partie de la thèse, « Glacial et la question du champ », interroge le lien existant entre Glacial et la construction du champ littéraire açorien et démontre comment sa pratique textuelle s’inscrit et participe au processus d’affirmation de ce champ littéraire. Dans un premier temps, nous analysons l’évolution du Supplément, en essayant de trouver, dans son organisation structurelle et dans la façon dont elle évoluera dans le temps, des traces de l’histoire de l’affirmation littéraire açorienne. Dans un deuxième temps, nous examinons les spécificités de la présence açorienne dans Glacial. Nous étudions les collaborateurs, l’importance de la production littéraire et critique, afin de comprendre comment, à travers son ouverture à l’intérieur, c’est-à-dire, à travers une pratique textuelle qui valorise l’espace et la production açoriennes, Glacial contribue à l’évolution du processus littéraire des Açores. Nous répertorions, ensuite,  les initiatives du Supplément destinées à stimuler, à soutenir et à rendre visible la pratique littéraire des plus jeunes écrivains açoriens, de façon à évaluer le rôle de Glacial dans l’affirmation de la prétention à la légitimité culturelle et littéraire qui anime tout artiste et écrivain. Nous précisons, encore, la notion de groupe littéraire, tout en essayant de comprendre dans quelle mesure il est possible de parler de l’existence d’une « génération Glacial ». Nous définissons également l’importance de l’activité critique de Glacial dans l’objectivation de l’intention créatrice. Finalement, nous nous interrogeons sur la contribution de Glacial à la polémique instaurée autour de l’existence et des particularités de la littérature açorienne durant la première moitié du XX ème siècle.

 

Cette méthodologie a permis de démontrer que la pratique textuelle de Glacial, fondée sur  la défense de la Liberté et de la Fraternité universelle constitue la force de son univers sémantique. L’apologie de la Fraternité universelle ouvre le Supplément à une universalité non totalisatrice, déterminant  une pratique textuelle à la fois attentive à l’Ailleurs et au référent açorien. Elle en fait un espace où se croisent et dialoguent les voix du dedans et du dehors, dans une dynamique qui reproduit l’un des vecteurs fondamentaux du processus littéraire de l’Archipel. Dans cette pratique, il n’est pas de désir d’affirmation contre un pôle culturel et littéraire dominant, ni de soumission envers ce pôle. L’existence d’un quelconque complexe de périphérie ou d’anxiété périphérique îlienne ne sera pas, non plus, la raison qui amènera le Supplément à regarder l’horizon pour découvrir l’Ailleurs. Les espaces culturels qui se font entendre dans Glacial convergent vers un rapport transversal, fonctionnant aussi bien comme centre que comme périphérie et c’est là l’une de ses propositions les plus fécondes. De la même façon, le désir de Liberté lui permet d’épanouir son élan transgresseur, dont l’un des vecteurs essentiels sera la provocation à l’égard du régime politique. En effet, nourrie de valeurs humanistes, la « parole » de Glacial l’amènera à se politiser de plus en plus ouvertement, bien que cette politisation n’ait pas été prévue par Carlos Faria. Par conséquent, tout au long de notre étude, nous soulignons les stratégies de subversion mises en œuvre par le fondateur du Supplément  pour fuir les contraintes imposées par la Censure.

 

Ainsi ce Supplément a été le lieu privilégié d’apprentissage et de pratique, de révélation et de divulgation, pour une partie significative des valeurs littéraires qui se sont révélées à l’époque. Il a, par ailleurs, été capable de compter sur la collaboration d’écrivains açoriens plus âgés et largement reconnus dans le milieu littéraire. Animé par une conception engagée de la culture, il a accueilli des jeunes açoriens désirant s’identifier avec la Terre et le Peuple açoriens, conscients que la littérature provient d’un lieu bien déterminé, en somme, qu’elle ne se produit pas dans un état de  «suspension ». Des jeunes qui, répondant aux défis de la société de leur temps, ont essayé de trouver la «mesure du dire» qui était le leur, tout en sachant qu’il fallait établir le lien entre l’Ile et le Monde. C’est en tant que centre d’attraction et de rayonnement des énergies créatrices de ces jeunes poètes et écrivains açoriens que Glacial devient le moteur du champ littéraire açorien. D’autant plus qu’une partie considérable d’entre eux a connu, à la suite de la révolution des Œillets, un parcours important dans le milieu littéraire, intellectuel, universitaire et politique de l’Archipel. En effet, ils seront appelés à coordonner, par exemple, une partie de la presse littéraire et culturelle dans les années qui suivront le 25 Avril 1974. Le débat sur les questions relatives à la littérature açorienne sera alors très vif et beaucoup d’auteurs qui se sont manifestés dans Glacial y ont contribué de façon efficace. En d’autre termes, ils intégreront les élites qui ont pensé et exprimé l’identité culturelle et littéraire açorienne dans les années qui suivront la révolution des Œillets.

 

Ainsi, malgré une durée de vie relativement courte, Glacial a été culturellement pérenne. Dans une région marquée par une   tradition littéraire qui, depuis l’introduction de la presse, s’exprime fortement par le biais des revues, ainsi que des pages littéraires et culturelles des journaux locaux, il a constitué l’un des moments forts du processus d’affirmation de la littérature açorienne, montrant que le dialogue avec l’extérieur est toujours facteur d’enrichissement de l’intérieur.