Qui est en ligne ?

Nous avons 1 invité en ligne

Suivez-nous sur

Bannière
Bannière

Identifiez-vous

Liens:

Bannière
Bannière
Bannière
Bannière

Colloque international Poétiques de Paul Zumthor (1915-2015) - Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 21-13 octobre 2015.

Attention, ouverture dans une nouvelle fenêtre. Imprimer

 

Daniel Borges

Université Paris Ouest Nanterre La Défense/

Universidade  Estadual de Campinas – UNICAMP

 

Le 5 mars 2015, Paul Zumthor aurait eu cent ans. Pour rendre hommage au médiéviste, au poéticien et théoricien de la littérature, au romancier et au poète, à l’intellectuel et à l’historien, le colloque international Poétiques de Paul Zumthor – 1915-2015 a célébré la mémoire de ce grand chercheur, et a mis en mouvement son œuvre multiple et féconde.

 

Le colloque a été organisé par deux équipes de recherche de Nanterre, le Centre des Sciences de la Littérature Française (CSLF), et le Centre de recherches interdisciplinaires sur le monde lusophone (CRILUS), en association avec le Fonds Paul Zumthor, de l’Université de Montréal, et l’Université Fédérale de Bahia, au Brésil.

 

Les organisateurs de la manifestations – qui comprenait un hommage de l'université Paris Ouest Nanterre La Défense à celui qui fut son Docteur Honoris Causa, une exposition « Poétiques de Paul Zumthor » et des spectacles poétiques et musicaux -  Idelette Muzart – Fonseca dos Santos et Jean-René Valette, ont associé quelques doctorants et post-doctorants au comité d'organisation.

 

La logistique du colloque a été très judicieusement confiée aux doctorants de l'université Paris Ouest-la Défense, et de l'université fédérale de l'Université fédérale de Bahia. Les jeunes chercheurs ont su traduire le nomadisme de la vie, de l'oeuvre et de la pensée de Paul Zumthor grâce à l'invitation d'une pluralité de spécialistes et à la mise en scène de l'intervention de beaucoup d'artistes.

 

Du Moyen-âge français jusqu'à l'actuel nord-est brésilien, le cycle est complet et la voix a été exprimée dans toutes ses variations, parmi les artistes.  Ainsi du chant des cantadores brésiliens, interprété en portugais par Antonio Barreto et traduit en français par Raisa Bastos, un accompagnement de la Compagnie Jabuticaba et des locuteurs français, québécois, et suisses ont pu reprendre en coeur ainsi que la poésie des troubadours du Moyen Âge, vivifiée par le chanteur français G. Le Vot, et chanté par des brésiliens et des portugais ; ainsi des poésies, chants et danses, mises en scène par Augusto de Alencar qui, en chantant en portugais et en français, a su relier des chants médiévaux européens à des chants brésiliens actuels.

 

Le rayonnement scientifique et artistique de Zumthor s’étend non seulement en France mais dans le monde entier, et tout particulièrement dans les zones francophones et lusophones. Ses recherches développent des rapports différents, mais complémentaires. Pour ne citer que quelques pays, en France, en Hollande et en Suisse, Zumthor a rénové les études sur le Moyen Âge ; au Brésil, au Québec et au Congo, la portée de ses études de la voix nous renvoie à des contextes aussi vivaces que spécifiques, où ses théories se diffusent plus que jamais. Ne pourrait-on dire que cette diversité ainsi déployée, rattachée au parcours de Zumthor renvoie pleinement à son concept de nomadisme ?


C'est donc pour évoquer cette diversité nomade que le colloque Poétiques de Paul Zumthor a été organisé autour de trois axes fédérateurs :

 

- Poétiques médiévales

- Poétiques de la voix

- Poétiques nomade


Durant trois jours, nous avons pu assister à 26 communications dans l'auditorium de l'Université Paris Ouest – Nanterre-La Défense, et parcourir une exposition rassemblant des exemplaires des œuvres et des textes de Zumthor et des photos de sa vie personnelle et scientifique.

 

De nombreux débats regroupant des chercheurs ont été organisés, et les théories de Zumthor reliées aux thèmes les plus divers, grâce à des interventions de personnes ayant connu Paul Zumthor, de personnes qui ont évoqué ses idées, avec amour et précision.

 

Le colloque a commencé le 20 octobre par un hommage émouvant, en présence de Michèle Perret et de François Suard, en présence de Mme Marie-Louise Ollier, Fondatrice et Présidente du Fonds Paul Zumthor, ainsi que de la famille Zumthor et de plusieurs de ses amis et anciens étudiants.

 

Bien que chacun des exposés aie apporté des connaissances nouvelles, des formes originales d'approche, des méthodologies variées, et que toutes les interventions mériteraient d'être citées, l'espace restreint dont dispose ce compte-rendu m'oblige à prendre la liberté de choisir trois interventions par jour. Que les autres me pardonnent, le choix est difficile quand la qualité est générale.

 

Photo : Gessé Araújo


Le 21 octobre avait lieu la première étape : les poétiques médiévales.


De 1943 à 1987, les recherches de Paul Zumthor ont contribué à un renouvellement profond des études médiévistes au XXe siècle. Elles ont servi d’inspiration et parfois de modèles à bien d’autres. C'est pour cela qu'ont eu lieu, dans l'auditorium de Nanterre, deux tables rondes inaugurales, présidées par F. Suard et par B. Darbord, avec une assemblée de gentilshommes (peut-être des chevaliers ?) : D. Boutet (Paris 4), C. Lucken (Paris 8 / Genève), P. Moran (Laval), J.-Y. Tilliette (Genève). R. França Bastos (Paris Ouest), A. Dumas (Sergipe UFS), E. Bastos (Bahia UFOB), É. Pinel (Paris Ouest).

 

C. Lucken a donné un aperçu précis des raisons, des objectifs et des perspectives de la réorientation critique de Paul Zumthor. Celui-ci, après avoir participé au renouveau critique s'attachant, depuis la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1970, à la poésie lyrique du Moyen Âge, s’est tourné vers les théories de l’oralité pour mettre en avant la performance du poète et la présence de sa voix.

 

Élodie Pinel a confronté la notion de « poétique » développée par Zumthor avec un corpus médiéval : celui des poèmes béguinaux. En nous appuyant sur la caractérisation de ces poèmes telle qu'établie par Geneviève Hasenohr dans l'article « D'une 'poésie des béguines' à une 'poétique des béguines' » (2009), Pinel nous a montré comment la notion de poétique zumthorienne, telle qu'elle est développée dans son Essai de poétique médiévale (1972), peut nous donner accès à la beauté de ces textes.

 

Se détachant des poétiques médiévales pour exposer les fondements de nouvelles approches des oralités vivantes et des vocalités, le deuxième jour, le jeudi 22 octobre, a été dédié aux poétiques de la voix.


Huit chercheurs ont mené leurs enquêtes dans des domaines spécifiques. Il est intéressant de constater comment, à partir de bases communes, ils sont parvenus à des travaux très différents, pour en tirer des enseignements très divers en fonction des approches méthodologiques.

 

Ce jour-là, la table-ronde intitulée Oralité, vocalité, traditions et performance, présidée par M. Perret (Paris Ouest), et par G. Pereux (Paris Ouest), regroupait plusieurs interventions traitant de la voix, comme, par exemple, les recherches d'Idelette Muzart-Fonseca Dos Santos, à « L'écoute des voix traditionnelles », ou d'Edilene Dias Matos et d'É. Méchoulan, qui ont présenté la voix comme performance, ou encore de F. Gingras, qui s'est penché sur la lecture et l'écriture de la voix.

 

Idelette Muzart-Fonseca Dos Santos a expliqué comment Paul Zumthor, médiéviste reconnu à la fin des années 1970, se tourne vers les voix poétiques, parlées ou chantées. Parmi la poétique de la voix, il établit un lien fondamental entre poétique médiévale et culture contemporaine. Selon Muzart, c'est sans doute au Brésil que ce lien acquiert une force particulièrement remarquable, car les propositions de Paul Zumthor permettent de rendre compte de la complexité poétique d'une culture dite « populaire » , dite « archaïque », parce qu'orale.

 

Ce sont les possibilités combinatoires des différentes dimensions de la voix que nous a proposé d'analyser Edilene Dias Matos. Par cette exploration, elle a donné à voir les genres de l’oralité présents dans différents univers culturels, envisageant le dépassement des limites du signe verbal par lui-même. Selon Matos, cela s'avère possible lorsque la parole se révèle comme une scène de lettres et de voix, un espace de friction entre des formes poétiques de création qui circulent en images-signes, génératrices d’autres images-signes pouvant se réaliser sur différents supports.

 

Le vendredi 23 octobre, dernier jour, a été consacré aux poétiques nomades.


Ce jour-là, la conférence de Michel Zink était très attendue. Utilisant le livre Écriture et nomadisme afin de montrer que Zumthor est partout lui-même et partout habite en lui-même. Selon Zink, cet aspect transparaissait dans la production poétique de Zumthor, et nul n’a fait plus que lui pour implanter la notion de poétique : l’immense succès de son Essai de poétique médiévale en est le signe. Mais sous la poétique, il y avait la poésie, et avant le poéticien, le philologue. Derrière le professeur nomade, il y avait sans cesse un poète.

 

Mais la théorie n'a pas monopolisé la parole et la voix. La voix a été volée par des intervenants inattendus, pendant l'intermède poétique de la Compagnie Jabuticaba, une jeune compagnie franco-brésilienne formée par un collectif d'étudiants et artistes, avec Gessé Araújo, Thales Branche, Alexandra Dumas et Raísa França Bastos. Ils ont présenté leur création contemporaine d'arts vivants : théâtre, danse, musique, voix. Ils envahissaient parfois l'auditoire et, au milieu des débats solennels, mettaient en scène soit des poèmes très inspirés concernant la vie de Zumthor, soit des expérimentations esthétiques autour de la voix.

 

Enfin, Jacqueline Cerquiglini-Toulet nous a présenté en clôture « Une histoire intellectuelle du XXe siècle : Paul Zumthor ou le parcours d’un curieux ». Cet itinéraire approfondi et soigneusement élaboré a retracé les multiples aspects de la carrière de Paul Zumthor à partir du point de vue professionnel et personnel d'une collègue de travail, amie et admiratrice.

 

En conclusion, l'apport majeur de ce colloque est de célébrer, en cette année de centenaire et tout juste vingt ans après la mort de Paul Zumthor, une œuvre et un parcours qui sont plus que jamais d'actualité.

 

Pour plus d'informations, voir la page du colloque: https://paulzumthor.u-paris10.fr/