Personnages de Lya Luft : Corps-Langage en ébullition

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Maria Esther Tourinho

 

Traduction Vanessa Sérgio

Révision Michael A. Soubbotnik

 

 

"Anjo Torto" (crédits: Virgílio Neto - http://www.flickr.com)

 

Insérées dans le contexte de la littérature féminine de la modernité, les œuvres de Lya Luft[1] ont fait l'objet de divers travaux qui, dans la perspective de l’écriture féminine, ont mis en évidence les questions de genre [gender] ou ont abordé les thèmes de l'espace, de l’intimisme, du postmodernisme etc. L'œuvre se constitue cependant comme l'espace privilégié d'une lecture psychanalytique par sa thématique liée aux pulsions de vie et de mort ainsi que par la présence forte et insistante de la perte et du refoulement en un questionnement intense des relations familiales où les conflits prennent naissance. As parceiras, publié en 1980, trouve son prolongement dans A asa esquerda do anjo puis dans Reunião de familia, les trois oeuvres formant, selon la critique, une "trilogie familiale" au sein de l’œuvre de Lya Luft. Reste que c'est l'univers fictionnel tout entier de la romancière qui continue jusqu’à présent de tourner autour de conflits familiaux. Ma famille représente, selon COSTA (1996, p.16), la "métaphore de la société patriarcale" que contestent les protagonistes qui, après d'innombrables pertes et refoulements, tentent de dénouer la trame du passé par le travail de la mémoire, cherchant ainsi à se construire comme sujets par le moyen du corps-langage.

 

Nous aborderons ici deux romans de Lya Luft – As parceiras et A asa esquerda do anjo – dans lesquels le corps se fait langage pour exprimer la perte et le refoulement en même temps que, dans un jeu de forces profondément ambigu et lié aux pulsions de vie et de mort, il sert d'instrument de transgression et de construction de la subjectivité. Les personnages, denses, constitués dans et par la fragmentation de leur être, sont saisis en des moments cruciaux de leur vie où, recueillis dans un espace privé, ils tentent de reconstruire leur subjectivité.

 

Ce sont les corps qui se taisent/parlent pour les personnages qui cherchent à se constituer en sujets de leur désir en tentant de démêler les fils de leur histoire, de défaire une problématique enracinée dans des expériences familiales morcelantes et castratrices, de surmonter un présent chaotique et de tisser de nouveaux liens dans leur vie. Dans les deux œuvres analysées, les personnages mettent en marche leur mémoire pour actualiser les souvenirs du passé en redonnant  à ce dernier un sens ; fiction et réalité se confondent, formant une toile unique ; le narré atteint au statut de vérité sur des trames doublement fictionnelles du point de vue littéraire comme du point de vue des narratrices-protagonistes, puisqu'il s'agit de faits reconstruits par l'intermédiaire de l'imagination. Si l'on part du statut de fiction qu'a la vérité en psychanalyse, on trouvera dans ces œuvres une vérité au regard de laquelle il importe peu que le passé ait été plus ou moins transfiguré, voire même défiguré, par la mémoire des protagonistes.

 

Les conceptions du corps ont connu de substantielles variations au cours de l’histoire. Pour Platon, le corps emprisonne et trahit l'âme, la raison et l’esprit par la matérialité qui lui est propre. Aristote, quant à lui, opère une distinction entre matière et forme qui sera ensuite reconfigurée par la tradition chrétienne, où la séparation de l'esprit et du corps entre en corrélation avec la distinction entre le mortel et l'immortel. Le dualisme esprit-corps de Descartes imprègne la pensée moderne et trouve encore des échos aujourd'hui.

 

Simone de Beauvoir (1993, 1994) voit dans le corps féminin l'assujettissement de la femme à l'espèce, tandis que d'autres auteurs qui l'étudient du point de vue de la construction sociale de la subjectivité, le considèrent de manière plus positive. Dans la conception illuministe, qui entre en vigueur au XVIIIe siècle et s'étend jusqu’à l'époque contemporaine, une partie de l'être humain (l'esprit) est souveraine et dissociée des autres, mais, dans la contemporanéité, la souveraineté et la fonction intégrante peuvent être exercées soit par le corps, soit par le langage.

 

Le corps apparaît comme quelque chose de simple si l'on y perçoit seulement une source de plaisir et de souffrance et un instrument de notre relation au monde, grâce aux organes sensoriels. Cependant, d'autres conceptions se présentent à une analyse plus fine. Il faut pour cela indiquer à quel corps nous nous référons : au corps biologique, construction artificielle objet d’études anatomiques ; au corps interne dans sa différentiation en divers organes et qui, dans la dichotomie cartésienne, s'oppose à l'âme ; au corps-peau, limite entre l'interne et l'externe qui ne saurait se confondre avec l'extérieur du corps ; ou bien encore au corps porteur de symptômes psychiques, toujours lié au langage puisque, comme le dit Lacan (1953/1966), "l'inconscient est structuré comme un langage".

 

Travaillant sur l'idée de conflit et d’opposition des forces, Freud (1915/1988) théorise le refoulement comme conséquence du conflit entre une motion pulsionnelle qui force l'accès à la conscience et une contre-charge mobilisée par la censure pour s’opposer à la pulsion. Le symptôme du refoulement découle d'une idée inconciliable avec la conscience et du déplacement de l’affect qui lui correspond sur une idée voisine par association, de sorte que l’existence du symptôme signale un échec dans l’opération de refoulement. Le symptôme est le résultat d’une solution particulière adoptée par le Moi pour satisfaire simultanément deux intérêts : d'un côté, la manutention du refoulement – en empêchant l'accès du contenu indésirable à la conscience, on apaise le Surmoi ; de l'autre côté, l’obtention d'une satisfaction pulsionnelle substitutive à travers la formation du symptôme.

 

Selon Lacan (1954-1955/1978, p.202), "le mot répond non pas à la distinction spatiale de l'objet, toujours prête à se dissoudre dans une identification au sujet, mais à sa dimension temporelle." L'objet, périssable dans le temps, présente une certaine permanence qui n'est reconnaissable qu'à travers la nomination. Pour Lacan, "le nom est le temps de l'objet. La nomination constitue un pacte, par lequel deux sujets en même temps s'accordent à reconnaître le même objet". Lacan privilégie le signe linguistique décomposé en signifiant et en signifié, pour établir l'idée d’équivalence entre structure du sujet et structure du langage. Pour Lacan, c'est la structure du langage qui précède l’enfant, qui le détermine et le place dans le discours puisqu'il naît déjà inscrit dans le langage. En lui donnant un nom, l'adulte lui confère une identité, même s'il a déjà été identifié bien avant de naître en ayant une place dans la famille, si bien que l'impossibilité d'un accès au langage est source de difficultés dans la constitution même de la subjectivité.

 

Dans R.S.I., Lacan (1974-1975) énonce que le symptôme contient un message, même s’il ne s’agit pas là de sa fonction la plus importante. Contrairement à l'idée de Freud sur la permanence d'un reste symptomatique indéchiffrable par la psychanalyse et faisant obstacle à la guérison – le rocher de la castration - Lacan considère le sinthome, ce qui persiste à la fin de l'analyse, comme la marque du sujet, son trait propre, sa singularité, ce qui ne cesse pas de s'inscrire et dont l'irréductibilité concerne un point qui, parce qu'il implique des éléments tirés du corps, demeurerait isolé de la chaîne signifiante, se constituant ainsi en quelque chose d'imperméable à l'interprétation, de telle sorte qu'à l'affirmation antérieure "L'inconscient est structuré comme un langage", Lacan substitue l’assertion "L'inconscient est un savoir codé". Dans ce contexte, "le symptôme porte une structure identique à celle du langage" sur le double versant du signifiant : "désir et jouissance".

 

Dans le Séminaire V, Les formations de l'inconscient (1957-1958/1998), Lacan trace le graphe du désir et explique que le sens du symptôme découle de la requête adressée à l'Autre, ce qui nécessite que l’effet de signification ainsi produit s'articule au fantasme pour faire effet de vérité. Dans le graphe, l'objet a est cause du désir, en est la catégorie imaginaire. Mais tandis que Freud qualifiait de réaction thérapeutique négative, masochisme primordial, les obstacles infranchissables auxquels il était confronté dans les cures, Lacan les conçoit comme structure du sujet et défend le point de vue selon lequel le sexuel n'est pas chaotique, désagrégateur, mais fonctionne en faisant barrage à la jouissance, en obstruant le chemin vers la mort et le retour à l'inanimé.

 

Bien que la perception de l'Autre et du monde en général soit médiatisée par les organes sensoriels, elle passe indubitablement aussi par une représentation projective (une modélisation), par des marques et des inscriptions produites au niveau affectif/linguistique, circonscrites par la culture et par les contacts premiers constitués depuis la conception et (re)construits tout au long du temps. Le rapport au monde ne peut cependant devenir effectif qu’au travers du langage qui est l’instrument indispensable de cette relation et, par conséquent, de la constitution du moi puisque, pour paraphraser Lacan, le moi est structuré par le langage. Il n'en reste pas moins que le corps est le médiateur indispensable pour que le langage se concrétise.

 

Dans la théorie lacanienne, le corps peut être abordé sur les trois registres fondamentaux du réel, du symbolique et de l'imaginaire et selon trois points de vue : comme corps sexuel (réel), comme corps symbolique (corps marqué par le signifiant), comme corps imaginaire (corps comme image). Du point de vue du réel, le corps synonyme de jouissance peut encore être défini comme "pure énergie psychique, dont le corps organique ne serait que la caisse de résonance" (NASIO, 1994, p. 52).

 

Dans la conception lacanienne, le corps est un corps singulier, essentiellement érogène, habité par la libido et marqué par le signifiant, se constituant, donc, comme corps de désir et, par conséquent, de jouissance. Le corps parlant est le corps marqué par la Symbolique, envisagé comme un ensemble d'éléments signifiants, corps qui est, en même temps, sexuel, étant donné que "le corps est toute jouissance et que la jouissance est sexuelle". Dans le sillage de Lacan, Juan David Nasio (NASIO, 1994, p. 197-198) définit la jouissance comme "la poussée d'énergie de l'inconscient quand elle est engendrée par les orifices érogènes du corps ; quand elle s'exprime soit directement par l'action, soit indirectement par la parole et le fantasme…".

 

Couto e Lima (2005, p.2) cherchant la différence entre le corps biologique, qui est d'après lui constitué indépendamment du langage, et le corps pulsionnel, "prisonnier de sa constitution dans et par le langage" affirme que c'est

 

dans et par le langage que s'opère en l'homme ce dépassement du corps naturel en corps dit pulsionnel. Penser le corps comme effet de langage équivaut à le penser capturé par le fonctionnement du langage. Capture qui le place dans une structure qui émerge du corps-machine lui-même pour le mener, à travers cette logique non-congruente sur les voies de l'efficace symbolique.

 

Cette réflexion a pour toile de fond la question de la constitution de la subjectivité par le langage. Si la subjectivité se constitue dans et par le langage, un adolescent opprimé, étouffé, empêché d'exprimer son moi, se taira et rencontrera des difficultés dans la constitution de sa subjectivité. Si le dépassement d'un corps naturel en un corps pulsionnel a lieu dans et par le langage, le mutisme aura des répercussions indiscutables sur le corps pulsionnel. Étant en même temps un temple sacré et inviolable, le corps pulsionnel se constitue en lieu du refus de l'amour (par l'absence d'abandon à l'autre) en même temps qu'en abri du “mal’’ qui a été introjeté et qui se révèle à travers le monstre qui l'habite:

 

Terei coragem de, num ritual último, abrir a boca como nunca abri as pernas e parir minha purificação?” ["Aurai-je le courage, en un rituel ultime, d'ouvrir la bouche comme je n'ai jamais écarté les cuisses et d'accoucher de ma purification ?"] (LUFT, p. 30).

 

Toujours selon Couto e Lima (2005, p.35), “le corps réel, anatomique, avec ses structures et relations anatomiques, ne lui permet pas de se passer de la structure symbolique pour pouvoir acquérir sa fonctionnalité”, étant donné que “le langage en vient à être considéré comme un fondement rigoureux de l'explication de phénomènes qui étaient auparavant tenus pour éminemment anatomiques. À partir de cette avancée de Freud, les fonctions corporelles trouvent dans le langage un référentiel théorique fondamental”.

 

Penser le corps du point de vue de l'Imaginaire implique que l'on tienne compte des premiers moments de la théorie lacanienne et de la manière dont l'image du corps propre à partir de l’Autre  marque la constitution subjective et l'image assumée par le sujet.

 

Quant au corps du point de vue du Symbolique, il indique la relation qui s'établit entre parole, langage et corps. Si l'on se fonde sur “Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse” (Lacan, 1966, p. 237-322) où se déploie la conception du primat du langage, le corps renvoie au corps marqué par le symbolique dont les diverses parties peuvent servir de signifiants au-delà de leur fonction dans le corps vivant.

 

Le corps du point de vue du Réel serait synonyme de jouissance, non pas défini comme organisme mais comme pure énergie psychique dont le corps organique ne serait que la caisse de résonance. (NASIO, 1994, p. 52) L'extrait suivant est une réflexion d'Anelise, dans As parceiras:

 

Bila, Bilinha. Nasceu quando a mãe tinha quarenta anos e vivia totalemente reclusa. Ha tanto tempo não via o marido, talvez nem se lembrasse dele. Tocara-o, quem sabe, por um algum ser belo e intangível, daqueles príncipes dos livros de menina, que não violasse seu corpo solitário. (p.51) [Bila, Bilinha. Elle est née quand sa mère avait quarante ans et vivait complètement recluse. Il y avait si longtemps qu'elle ne voyait plus son mari, peut-être qu'elle ne se souvenait même plus de lui. Qui sait, elle l'aura pris pour un être intangible et magnifique, un de ces princes de contes de petites filles, qui ne violerait pas son corps solitaire]

 

Catarina, la mère de Bila (Sibila), s'est mariée adolescente et encore innocente en matière de sexualité. Elle est constamment violentée par son mari, même après qu’elle soit devenue folle, et met au monde, dans ce contexte, sa dernière fille, Sibila, enfant attardée, naine au corps grotesque. Depuis bien longtemps recluse dans sa chambre, vêtue de blanc et sentant la lavande, Catarina “Aparentemente [...] nem se apercebera dos casamentos das filhas, da viuvez de Bea” [Apparemment […] ne s'était même pas aperçue du mariage de ses fille, du veuvage de Bea]. Pendant ce temps,

 

O dono da casa vinha raramente. Mas um dia voltou. Gritalhão, brutal, bebeu muito, azucrinou as criadas e a governanta, a filha viúva. Indagou de Catarina, quem sabe lembrava de repente uma menina loura e delicada de anos atrás. Por fim subiu. Horror no sótão, vômito amargo” [Le maître de maison venait rarement. Mais un jour il est revenu. Coléreux, brutal, buvant beaucoup, importunant les servantes et la gouvernante, sa fille veuve. Il s'est enquis de Catarina, qui sait, il s'était soudainement souvenu de la jeune fille blonde et délicate d'il y avait tant d'années. Finalement, il est monté. Horreur dans le grenier, vomissure amère] (LUFT, p. 51-52)
Oito meses depois a doente deu à luz uma menina enfezada [...]. A criança nascera com grande dificuldade da mãe fraca e delirante, que parecia nem saber o que se passava”. [Huit mois plus tard la malade donna naissance à une naine […]. L'enfant était née avec une grande difficulté d'une mère souffreteuse et délirante qui semblait ne même pas s'apercevoir de ce qui se passait] (LUFT, p. 52).

 

Sibila exhibe par son corps grotesque la métaphore de ce que Catarina a subi de violences et de pertes, avec pour conséquence la perte de son individualité, de sa liberté et de sa santé mentale. Le rejet de Sibila par Catarina est aussi l'extrême concentration, la cristallisation, de son indifférence à l'égard de ses autres filles. Fruit de la plus grande violence puisque conçue durant la maladie mentale de Catarina, Sibila porte, rassemblées sur son corps, toutes les marques de la violence dont sa mère fut la victime.

 

Enfermée dans sa chambre, Catarina écrit de son écriture penchée vers la gauche. Elle n’écrit pour personne ; il n'y a pas de lecteurs; elle écrit pour elle même, inscrivant dans cette écriture ses pertes, son manque, son désir. L'écriture représente pour elle un salut possible, même si c'est encore là une façon de se jeter par dessus la balustrade. En faisant du manque un objet de désir, le texte est le lieu de la rencontre de Catarina avec elle-même. Il y a donc aussi dans les textes qu'elle écrit une tentative de retrouver un équilibre.

 

Anelise éprouve depuis son enfance de la curiosité pour la figure de sa grand-mère folle. Elle grandit dans la peur de perpétuer la folie familiale chez ses propres enfants. Mariée, elle fait plusieurs fausses couches et finit par mettre au monde un fils végétatif, qui mourra très jeune. À travers ses avortements successifs, Anelise représente la perte. Ce sont des vies potentielles qui se transforment en mort, ce sont les diverses pertes d'Anelise (la peur de la folie familiale, les rencontres avortées, l'insatisfaction amoureuse) concrétisées et symbolisées par les petits êtres qui se refusent à la vie, exprimant, à travers leur corps une perte irréparable. Quant corps d'Anelise, il est le lieu de la castration et de son déni, puisqu'il s'ouvre de manière répétée à d'éventuelles vies (grossesses) pour se renfermer comme un tombeau n'abriter que la mort (avortements, fils végétatif). Ce lieu privilégié de la tentative de se construire une identité de femme et de mère est aussi le lieu de l'échec ; métaphore du désir et de la possibilité de salut, il devient le lieu du refus de la vie, une métaphore de la perte irréparable.

 

Passons à Asa esquerda do anjo, œuvre où Gisela/Guísela refait en six chapitres sa trajectoire dans un entourage où le préjugé et l'hypocrisie forment la toile de fond d'une structure familiale épuisée mais rigidement maintenue par l'orgueil et par les traditions de la famille ; sous les masques, le ressentiment rend difficile la vie commune et mine l'affection. Gisela porte en elle un monstre dont elle doit accoucher et dont nous devons déchiffrer le sens, un monstre qui, selon elle, se serait installé dans son ventre alors qu’elle n'était encore qu’une enfant, à la suite d'un épisode où cours duquel sa grand-mère l’avait réprimandée sévèrement pour avoir joué dans le sable ou pour avoir surpris une conversation de la domestique sur une femme qui portait un monstre dans son ventre. Accompagnons Gisela dans l'environnement familial :

 

En raison des exigences de la grand-mère maternelle et de son obstination à vouloir faire d'elle une personne conforme aux canons de la famille allemande et aux modèles qu'elle valorise, Gisela se sent éclipsée par sa cousine Anelise. Elle est incapable de jouer du piano comme sa cousine joue du violoncelle et ne montre par ailleurs aucune disposition pour la cuisine ou la broderie qu'on cherche tant bien que mal à lui enseigner:

 

Bordava, bordava: era toda lábios, olhos, corpo envergonhado e aflito, suspirando por alguém sem nome, sem rosto, que talvez tornasse o amor suportável, a chamar: Vem, vem, vem. Bordava interminavelmente como se costurando fechasse meu corpo” [Je brodais, brodais : j'étais toute lèvres, yeux, corps honteux et affligé, soupirant pour quelqu'un qui n'aurait pas de nom, pas de visage, qui rendrait peut-être l'amour supportable, appelant : Viens, viens, viens. Je brodais interminablement comme si en cousant je fermerais mon corps] puis, dans “um misto de raiva e trêmulo anseio” [un mélange de rage et de tremblement d'angoisse],

 

par rébellion contre le système dont elle ne parvenait pas à assimiler l’apprentissage: “... puxava de propósito o fio até enrugar o tecido” [… tirais exprès sur le fil jusqu'à froisse le tissu] (p. 59), inscrivant dans le tissu, métaphore du corps, les marques du refoulement et de la castration, en même temps qu’elle ‘fermait’ ce corps à toute communication, à l’amour, à la vie.

 

L'impossibilité pour la vraie Gisela de recevoir l'approbation de sa grand-mère fait naître chez elle des craintes, des angoisses et un sentiment de culpabilité qui la poursuit, l'empêchant de faire l'expérience d'une relation amoureuse: “Outras meninas de minha idade tinham namorados, eu continuava isolada, mal-humorada, sempre pelos cantos nos recreios ou festas. Enxoval para quê?” [Les filles de mon âge avaient des amoureux, moi je restais isolée, maussade, toujours abandonnée dans un coin lors des fêtes et des réceptions] Gisela commence ainsi son récit :

 

O copo de leite na mesa-de-cabeceira. Na cama de latão, os imaculados lençois onde sempre dormi sozinha.
Esta é a noite. Faz três dias enterraram Leo, a quem amei mas neguei meu corpo. Como se chamava o mais belo conto dos meus livros infantis? A Rainha da Neve.
Preciso concentrar-me neste ritual. Ficarei aliviada e limpa depois do horrendo parto. Deitar-me nesta cama branca e deixar que meu corpo expulse seu violador. (p.9)
[Le verre de lait sur la table de nuit. Dans le lit de laiton, les draps immaculés entre lesquels je dormais toujours seule.
Cette nuit est la nuit. Cela fait trois jours qu'on a enterré Leo, que j'aimais mais à qui j'ai refusé mon corps. Comment s'intitulait le plus beau conte de mon enfance ? La Reine des Neiges.
Il faut que je me concentre sur ce rituel. Je serai soulagée et lavée après cette horrible parturition. Me coucher sur ce lit et laisser mon corps expulser son violeur.]

 

La subjectivité de Gisela est tout d’abord mise en question dans son prénom : la grand-mère, la matriarche, n'accepte pas le prénom brésilien de sa bru (Maria de Lourdes) ni celui de sa petite-fille, Gisela qu'elle appelle obstinément ‘Guísela’, faisant ainsi obstacle à sa constitution subjective. L'ambiguïté du prénom est à la racine de la rencontre manquée de Gisela avec elle-même : Gisela/Guísela, présente une identité fragmentée et diffuse jusque dans son propre prénom, détourné pour satisfaire l'attachement de sa grand-mère aux traditions et à la langue allemandes de ses origines. Cela conduit donc Gisela à se demander qui elle est en réalité et engendre chez elle une grande insécurité et d'énormes difficultés pour se constituer une identité :

 

Por que o nome ambíguo? Quem era eu: Guísela ou Gisela” [Pourquoi ce nom ambigu ? Qui étais-je : Guísela ou Gisela] (AEA, p.20). “Nem nome certo eu tinha. E as coisas, as que pensava e sentia, em que palavras expressá-las: em alemão ou em português?” [Je n'avais même pas de véritable nom. Et les choses, celle que je sentais, auxquelles je pensais, dans quels mots les exprimer : en allemand ou en portugais ?].

 

Difficultés aussi dans l’établissement de liens affectif:

 

Nenhum deles exceto talvez minha mãe suspeitava a extensão da minha dor, e do meu medo de jamais vir a pertencer a nada ou a ninguém”. [Aucun d'eux, à l'exception peut-être de ma mère, ne soupçonnais l'étendue de ma douleur et de ma peur de ne jamais parvenir à appartenir à rien ni à personne] (p.25).

 

Sous les ordres de la grand-mère maternelle, la vie se transforme en scène de théâtre, où

 

Tudo precisava ser recomendado, ensaiado, mil vezes lembrado: gestos, expressões, linguagem, tudo falsificado na montagem daquele teatro em que se fraudava, até o menor resquício, a nossa identidade”. [Tout devait faire l'objet de recommendations, de répétitions, être mémorisé des milliers de fois : gestes, expressions, langage, tout était falsifié dans le montage de cette pièce de théâtre où, jusque dans ses replis les plus intime, se travestissait notre identité] (p. 36).

 

Et tandis qu'elle fait des cauchemars peuplés d'animaux ailés (les animaux symbolisant la sexualité et les ailes le besoin d’affranchissement), Gisela s'identifie aussi à l'Ange qui garde le mausolée de la famille. Intact, conservant en lui “a plácida beleza de Anemarie” [la placide beauté d'Anemarie], l'ange ne connaît ni sexe ni violence.

Comme l'ange, Gisela est ambiguë et, comme lui, elle se préserve en s’interdisant le plaisir :

 

Também não permiti que ninguém me violasse, nem mesmo Leo” [Et je n'ai permis à personne de violer mon corps, même pas à Leo], même si, contradictoirement, elle en souffre aussi : “Enquanto meu coração chorava por ele, no ventre endureciam as pedras de gelo. Eu era toda contradição e dilaceramento” [Tandis que mon cœur pleurait pour lui, dans mon ventre durcissaient des blocs de glace. J'étais toute contradiction et déchirement]. (p.30).

 

Dans cette identification, la pureté contrainte symbolise une expiation de la culpabilité introjetée. Se considérant elle-même comme le mouton noir de la famille, celle qui n’entre pas dans le moule préétabli, elle s'insurge contre l'oppression et, pour cette raison même, ne se sent pas aimée.

 

Elle aime Léo, mais elle déplace ce sentiment. Depuis qu'elle a surpris son oncle en plein acte sexuel avec sa tante malade, Gisela, qui avait déjà des problèmes pour accepter l'acte sexuel, commence à éviter son fiancé et à rejeter tout contact physique:

 

sempre que Leo se fazia mais íntimo era tio Ernst que eu sentia endurecido contra mim e era dele que eu me esquivava, gelada” [chaque fois que Leo se montrait plus intime c'était oncle Ernest que je sentais se durcir contre moi et dont je m'écartais, glacée]. (p.76).

 

Dans le contexte du refoulement, l'oncle abject devient la métaphore de la castration et son organe sexuel la métonymie du désir. De cette façon, Gisela conserve son corps comme un temple intact, qui n'a jamais appartenu à personne, puisqu'en dépit de son amour pour Leo, elle ne parvient pas à s’abandonner, demeure distante, fait souffrir celui qu'elle aime et, souffrant elle aussi, fait de son corps un symbole de l'incapacité de communication au niveau affectif:

 

Nada me demoveu, nem a piedade nem o dilaceramento que senti quando, na primeira separação, ele me dizia agoniado: ‘Não faça isso comigo, Gisela, não faça isso comigo”. [Rien ne m'a fait dévier, ni la compassion ni le déchirement que j'ai ressenti lors de notre première séparation quand il me disait, au désespoir: ‘Ne me fais pas ça Gisela, ne me fais pas ça’] (p.30).

 

Curieusement, le monstre qui l’avait perturbée quelques temps auparavant, mais qui s'était quelque peu apaisé, revient la tourmenter avec une force ravivée dès la mort de son bien-aimé. Il lui faut désormais l’expulser, ce à quoi elle se prépare durant tous les chapitres de la narration tandis qu’elle se remémore les événements de son enfance, de son adolescence et de sa jeunesse. Les deux épisodes majeurs – la réprimande pour avoir joué dans le sable de la plage, après quoi elle avait eu de la peine à ôter le sable de ses jambes et avait crié, terrorisée, se sentant comme violée ; la conversation de la domestique – se trouvent insérés dans le chapitre intitulé “As Sementes” [Semences] et sont rapportés en une séquence unique, comme en une association libre, ce que l'on peut interpréter comme un retour du refoulé. La seconde situation réactive la première et ramène à la surface ce qu'elle contenait déjà dès les premiers instants. Dans cette association, les vers se sont installés en elle comme les semences du mal (le monstre), signifiant de la souillure. Ils se transforment en monstre et habitent son corps, si bien qu'elle voit dans la sexualité quelque chose d'immonde, donc d'interdit.

 

Il est à noter que l'accouchement, qui n'a lieu seulement qu'à la fin, se fait par la bouche. Dans ce rapprochement bouche/ventre, le déplacement suggère que la difficulté de communication est un thème fondamental de l’œuvre. Façonnée à l'extrême par sa grand-mère, Gisela s’était tue et dans le même temps s’était conservée intacte, faisant de sa bouche et de son ventre des instruments d'incommunicabilité/de communication. Métonymiquement, ventre et bouche représentent l'un et l'autre la communication, mais sous des aspects opposées : intact, le ventre offre une image de l'incommunicabilité, tandis qu'en accouchant du monstre par la bouche, donc en la libérant désormais de toute impureté, Gisela fait de celle-ci un possible canal de communication avec le monde et s'ouvre à de nouvelles possibilités de vie.

 

Mettre au monde le monstre signifie donc se purifier de la négativité et de la mort pour recouvrer la vie, tout en maintenant toujours néanmoins le corps intact. En même temps, mettre au monde le monstre c'est pour Gisela se révéler à elle-même une nouvelle identité. Des parts d'elle-même qu'elle n'assumait pas remontent à la surface avec ce monstre issu d'elle-même et qui l'affronte. L'extrait suivant, de la dernière page du roman, confirme cette lecture du monstre comme figure de l'identité (l'autre qu’elle n’était pas jusqu'alors parvenue à être) :

 

Vira-se mais, sei que vai me encarar. Minha identidade – qual é a minha identidade? Ele vai me fitar, sem olhos, sem nariz, sem feições. Sem identidade como eu – qual é o meu nome? Onde fica o meu lugar? Como se deve amar? Neve ou fogo?” [Il se tourne un peu plus, je sais qu'il va me dévisager. Mon identité – quelle est mon identité ? Il va me faire face, sans yeux, sans nez, sans traits. Sans identité comme moi – quel est mon nom ? Quelle est ma place ? Comment doit-on aimer ? Neige ou feu ?] (p. 109).

 

Les signifiants opposés, neige et feu, disent la dichotomie qui se trouve à la racine de la problématique de Gisela, renvoient à l’ambiguïté qui fait partie d'elle-même et se manifeste en diverses situations, mais surtout dans le sentiment ambigu qu'elle nourrit pour sa cousine et dans l'amour pour son fiancé, qu'elle ne peut entièrement assumer.

 

Les deux lectures du monstre – la mort qui se transforme en vie et l'identité non assumée –, contradictoires en apparence, sont en réalité complémentaires, puisqu'un aspect non assumé de l'identité peut, par frustration, représenter la mort dans la vie. Inversement, Gisela donne du lait (symbole de vie) au monstre nouveau-né, ce qui permet de voir dans ce monstre une transformation de la mort en vie. Et le monstre est susceptible d'autres interprétations encore.

 

Lúcia Castello Branco (1989) interprète la matriarche comme une figure phallique, détentrice, donc, du pouvoir masculin, et le monstre de Gisela comme un “faux phallus”. En ce sens, nous pouvons considérer le monstre comme une incarnation des traditions défendues par la grand-mère. Comme Gisela les renie en même temps qu'elle les incorpore, ces traditions se transforment en un monstre qui l'opprime et l'agresse - phallus en ce qu'il représente le pouvoir de la grand-mère sur toute la famille et plus particulièrement sur la protagoniste, mais faux en ce qu'il n'octroie pas à Gisela ce même pouvoir. Bien au contraire, il la fait se sentir encore plus impuissante et lui rend toute sexualité impossible.

 

Gisela développe un Surmoi tyrannique, sauvage, qui à la fois l'exhorte à la jouissance, lui promulgue des interdits et la protège (fonctions surmoïques qui "ne sont assumées par ce Surmoi tyrannique que de façon violente et morbide"), de telle sorte que, se refusant toute sexualité, elle répond à cette injonction de la conscience qui "nous ordonne de pousser notre désir jusqu'à son point ultime". (NASIO, 2001, p. 222-223). Cependant, en donnant la vie à ce monstre-phallus, elle ne le détruit pas ; au contraire, elle l'alimente, ce qui révèle une nécessité de conciliation avec les repères familiaux si longtemps reniés mais qui font partie d'elle-même. En se réconciliant avec elle-même elle pourra ainsi laisser affluer sa subjectivité.

 

Voici la réflexion de Gisela après l'accouchement:

 

O leite acabou mas ele ainda está faminto, vira-se na minha direção, balançando pesadamente a pata erguida do corpo. [...] Meu habitante e eu somos a única criatura viva neste quarto” [Il n'y a plus de lait mais il a encore faim, il se tourne vers moi, balançant lourdement la patte qui lui sort du corps. […] Mon hôte et moi sommes l'unique créature vivante dans cette pièce].

 

Le verbe au pluriel, somos, montre qu'elle et le monstre font deux mais forment aussi un être unique, alors que “... a única criatura viva neste quarto” (italiques de l’auteur) donne l'impression qu'ils sont plusieurs, mais morts. Tandis que l'accouchement suggère une renaissance, la dernière phrase de l’œuvre instaure de nouveau une tension, laissant pour seule certitude l'éternel conflit entre la vie et la mort : “No cemitério, na entrada do Jazigo, a asa esquerda do Anjo se fende um pouco mais” [Au cimetière, à l'entrée du Caveau, l'aile gauche de l'Ange se fend un petit peu plus]. (p. 109).

 

Quant au corps d'Anemarie, il est le lieu de la transgression, de l'appel à la vie mais aussi de la perte. Le même ventre qui abrite l'amour (source de vie) représente la trahison envers l'institution de la famille ; elle fuit avec le mari de sa tante. Quelque temps après, ce corps fatalement marqué par un mal incurable cherche un abri au sein de la famille. L'utérus, de symbole de vie, devient symbole de mort, lieu de punition de celle qui, perfection incarnée, avait été la préférée de la grand-mère et de la famille avant de soi-disant "trahir" les valeurs familiales. Son corps, jadis maître de son destin, devient avec la maladie l'instrument de la mort.

 

Tout comme les corps d'Anelise et d'Anemarie en lesquels se concentrent les marques du refoulement, le corps de Gisela est fragilisé. Ces corps dévoilent la rupture et la fragmentation du moi, instaurent l'incertitude et motivent les quêtes, demandent des comptes à leur propriétaire et à l'Autre qui les constitue aussi ; même si pour Anelise (As parceiras) et Gisela (A asa esquerda do anjo), le corps s'avère aussi un espace de résistance à l'oppression et l'instrument d'une construction de la subjectivité.

 

L’œuvre littéraire reste ouverte, de sorte que le lecteur attentif pourra en faire d'autres lectures et (ré)écrire un nouveau texte, en comblant les lacunes et en suppléant au manque (le sien et celui du texte), bien que les possibilité qu'ouvre le texte ne soient pas illimitée et que l'on ne puisse jamais aller trop loin dans l'interprétation. Il demeure en effet dans une œuvre une limite à la traductibilité qui nous défie et manifeste le caractère inépuisable du texte littéraire. Dans les œuvres polysémiques de Lya Luft, la vie et la mort sont irrémédiablement entrelacées et se confondent dans les fils d'une même trame. Bien souvent, le texte lui-même s’autocensure et le silence s'installe en des moments si denses que seul le corps-langage parle en son nom propre à l’insu des personnages qui s'interrogent et interrogent leurs fantômes, tentant ainsi une rencontre avec eux-mêmes et avec l'Autre, transmettant/criant un appel à l’aide.

 

Le corps se présente ainsi comme un langage propre à exprimer les angoisses et le refoulement, mais aussi comme l'instrument de constitution de la subjectivité, dans un conflit permanent entre les pulsions de vie et la pulsion de mort, entre le principe de plaisir et le principe de réalité. De même que le corps, le texte est un lieu de rencontre avec d'autres textes et avec le lecteur, la possibilité de x créations tant pour l'écrivain que pour le lecteur qui, sur fond de manque, fait du texte un objet de désir et, associant, comblant les omissions par tels ou tels détails, omettant à son tour d'autres détails, concrétise un texte qui lui est propre. Et malgré la fragmentation si caractéristique des sujets de l’époque moderne, malgré le chaos où s'est construit leur vie, les personnages de Lya Luft tentent de "recoller les morceaux", de renouer les fils de leur existence, de se reconstruire elles-mêmes.

 

 

 

 

Références bibliographiques:

 

BEAUVOIR, Simone de. Le deuxième sexe. (1949). I, Les faits et les mythes. Paris: Gallimard, Folio Essais, 1993

. Le deuxième sexe. (1949). II, L'expérience vécue. Paris: Gallimard, Folio Essais, 1994

BERLINCK, Manuel Tosta. Tempo do desejo. Sociologia e Psicanálise. São Paulo: Brasiliense, 1989.

CASTELLO BRANCO, Lúcia. Um fio de voz tecendo o vazio. A mulher escrita. Rio de Janeiro: Casa-Maria /LTC Livros Técnicos e Científicos, 1989.

COSTA, Ana Maria Medeiros da. A ficção do si mesmo interpretação e ato em psicanálise. Rio de Janeiro: Companhia de Freud, 1998.

COSTA, Maria Osana de Medeiros. A mulher, o lúdico e o grotesco em Lya Luft. São Paulo: Annablume, 1996.

COUTO e LIMA, Jarbas. O corpo capturado: a enlace da linguagem na constituição do corpo pulsional. Tese de Doutorado. Instituto de Estudos da Linguagem: Campinas, 2005. http://libdigi.unicamp.br Acesso em 21/11/2006.

DURANT, Will. A história da Filosofia. Tradução: Silva, Luiz Carlos do Nascimento. São Paulo: Nova Cultural, 1996.

Freud, Sigmund, Pulsions et destins de pulsions, in Œuvres Complètes, Volume XIV, Paris: Presses Universitaires de France, 1988, p. 163-188

LACAN, Jacques, Le Séminaire, livre II (1954-1955): Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1978*

."Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse" (1953), Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p. 237-322

. Le Séminaire, livre V (1957–1958): Les formations de l'inconscient. Paris: Seuil, 1998

. Le Séminaire 1974-1975: R.S.I. (inédit)

LUFT, Lya. As parceiras. Rio de Janeiro: Record, 2003.

_______. A asa esquerda do anjo. 11a edição. Rio de Janeiro: Record, 2003.

Nasio, Juan David. Cinq leçons sur la théorie de Jacques Lacan. (1992) Paris: Payot, 1994

. Enseignement de 7 concepts cruciaux de la psychanalyse. Paris : Payot & Rivages, Petite bibliothèque Payot, 2001

RUDGE, Ana. Pulsão e Linguagem. Rio de Janeiro: Jorge Zahar, 1998.

 

 

 


[1] NdE. Lya Luft est née en 1938, à Santa Cruz do Sul, ville de colonisation allemande, dans le Rio Grande do Sul. Elle fait ses études de Pédagogie et Lettres anglo-germaniques à Porto Alegre. Sa vie littéraire commence dans les années 1960, comme traductrice d’auteurs allemands et anglais (Virginia Wolf, Reiner Maria Rilke, Hermann Hesse, Doris Lessing, Günter Grass, Botho Strauss, Thomas Mann). Ses premiers poèmes sont réunis dans Canções de Limiar (1964) et Flauta Doce (1972). A partir de 1978 (Matéria do Cotidiano, livre de contes), elle entre en fiction avec As Parceiras, en 1980, et A Asa Esquerda do Anjo, en 1981. Autres œuvres : Reunião de Família, 1982; O Quarto Fechado et Mulher no Palco, en 1984; Exílio, 1987; O Lado Fatal, poemas, 1989; O Rio do Meio, ensaios, 1996; Secreta Mirada,1997; O Ponto Cego, 1999; Histórias do Tempo, 2000; Mar de dentro, 2000.

Sa vie privée est également marquée par de grandes passions et de grandes pertes : de l’âge de 25 ans jusqu’à 47 ans, elle a été mariée à Celso Pedro Luft, dont elle a trois enfants. Elle se sépare de son mari en 1985 et vit avec le psychanalyste et écrivain Hélio Pellegrino, qui meurt trois ans plus tard. En 1992, elle se remarie avec son premier époux dont elle reste veuve en 1995.

L’auteure est connue pour sa lutte contre les stéréotypes sociaux. Elle déclare écrire « sur tout ce qui l’étonne », les femmes ne sont donc pas ses personnages exclusifs. Lya Luft ne fait pas de séances de signature, elle n’aime pas discuter de théories littéraires, surtout appliquées à son œuvre, elle ne veut pas faire de littérature régionale ni être représentante de descendants. Elle ne veut appartenir à aucun groupe. Elle veut seulement être libre et rester tranquillement dans son coin.

En français, on peut lire de Lia Luft, Pertes et profits, la maturité, Traduit du brésilien par Geneviève Leibrich, Paris, Editions Métailié, 2005.