Numéro 6

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Dès sa création,  Plural Pluriel, revue des cultures de langue portugaise avait prévu de consacrer un numéro aux littératures africaines : elles dépassent aujourd’hui le stade de l’émergence, où on les a longtemps cantonnées, pour atteindre ce niveau de maturité sereine où se mêlent les ‘grands’ anciens - Pepetela, José Luandino Vieira -, les ‘maîtres’, lus, traduits, étudiés et adaptés - Mia Couto et quelques rares -, enfin une génération nombreuse et déjà impatiente d’auteurs du Cap Vert, de Guinée Bissau, d’Angola, bien sûr, et du Mozambique, vivant ici ou là, dans leur pays ou dans un autre.

 

Génération consciente des enjeux et des modes d’expression, Africains questionnant leur rapport à la tradition comme à l’histoire, écrivains de langue portugaise, certes, mais pas seulement, qui élaborent leur œuvre littéraire, poétique ou narrative, dans un espace plurilingue et multiculturel.

 

José Manuel Da Costa Esteves accepta la responsabilité de préparer ce numéro qui devait se transformer, après la disparition prématurée, le 25 novembre 2008, du professeur, collègue et ami, Michel Laban, en un hommage à l’homme, au chercheur, au traducteur et toujours à l’ami.

 

Michel était aussi un africain, du nord, un « pied-noir » né à Constantine (Algérie) en 1946, au temps de la colonie. Comme ceux de sa génération, il étudia d’abord la langue espagnole, puis, par goût, la langue portugaise, qu’il commença à enseigner comme l’un des (rares encore) titulaires de l’agrégation de portugais. Après l’accès à l’indépendance de l’Angola, il répondit, avec d’autres jeunes diplômés, à l’appel de l’UNESCO et participa au projet de formation d’enseignants de français et de portugais, dans ce pays. Sa thèse doctorale, consacrée à l’œuvre de José Luandino Vieira et soutenue en 1979, lui permit d’accéder à l’enseignement supérieur à la Sorbonne Nouvelle (Paris III), dès 1981, dans le Département de Portugais qu’il devait, plus tard, diriger et où il enseigna jusqu’à la fin.

 

Au cours de ces trois décennies, il eut des centaines d’étudiants, à la Sorbonne Nouvelle, mais aussi à Vincennes-Saint-Denis (Paris 8) auxquels il inculqua son amour pour les littératures, les cultures et l’histoire des pays africains, objets de la plus grande part de ses travaux de recherche. Entre 1991 et 1998, il procéda à la publication, grâce à la Fondation Eugénio de Almeida, d’un véritable ‘Trésor’ des  littératures de langue portugais, les 8 volumes des « Encontro com escritores ».

 

Le rôle de « passeur » pédagogique et culturel se compléta par un remarquable travail de traducteur de nombreuses œuvres en langue portugaise, d’écrivains africains mais aussi portugais et brésiliens, publiées le plus souvent chez Gallimard ou dans d’autres prestigieuses maisons d’éditions françaises.

 

Michel fut aussi tout au long de sa vie un homme engagé, qui défendait ses idées avec discrétion et constance, un compagnon de déambulation dans les manifs, un des rares, sans doute,  pour qui le mot ‘camarade’ quand il  nous l’adressait, portait tout son sens, même si, parfois, le désenchantement semblait se glisser sous l’humour.

 

L’hommage rendu par ses collègues et amis chercheurs, dans ce numéro de Plural Pluriel, commence par la publication d’un inédit de Michel, une conférence, prononcée à l’UNESCO, en 2006, et qui illustre sa recherche sur les particularités du portugais littéraire des pays africains de langue portugaise, recherche qu’il laissa inachevée et qui est actuellement en voie de  conclusion par  Maria José Laban et Maria Helena Araújo Carreira.  C’est d’ailleurs Maria Helena Araújo Carreira, linguiste, qui propose le premier article critique, une analyse du parcours de formation et de recherche de Michel Laban, dont Adriano Alcântara évoque l’importance dans la (re)découverte d’un conte de Rui Nogar. Et c’est aussi dans la perspective de la rénovation linguistique et littéraire des littératures africaines que s’inscrit Carmen Lucia Tindó Secco. Enfin Alberto Carvalho décortique,  à partir de l’exemple des écrivains cap-verdiens, la méthode humaniste de travail de Michel Laban qui transforme les ‘entretiens’ en ‘rencontres’ de sorte que ses questions parviennent à dessiner d’authentiques portraits d’auteurs par eux-mêmes.

 

Les articles suivants, s’ils incluent le nom de Laban dans une dédicace ou plus justement encore dans la bibliographie, pourraient être publiés dans toute revue de critique littéraire ; en cela même, ils sont le plus juste hommage rendu à celui qui a tant œuvré pour que les auteurs africains soient lus et reconnus par la critique internationale. La contribution de Maria Graciete Besse propose ainsi une lecture de la violence, entre guerre et terreur, dans un récit de Lília Momplé, thématique que Geneviève Vilnet développe également dans une lecture comparée de Paulina Chiziane et Mia Couto.

 

Si l’on excepte José Craveirinha, dont Glória de Brito analyse l’écriture poétique, en confrontant l’engagement du premier livre, Xigubo, et le lyrisme ontologique du dernier, Maria, c’est incontestablement Mia Couto et l’ensemble de son œuvre qui séduit le lecteur et incite le critique. Terra sonâmbula,   A Varanda do Frangipani et O Último Voo do Flamingo sont l’objet des contributions de Geneviève Vilnet, déjà citée, Maria do Carmo Martins Pires, Maria Fernanda Afonso et Filomena Rodrigues.

 

La partie “Documents” de ce numéro 6 présente quatre textes exceptionnels, hommage des auteurs à leur traducteur et ami : Mia Couto évoque avec humour et tendresse les rencontres de travail à Paris, avec Michel ; Ondjaki se fait porte-voix de tous ceux qui sont et furent « os do Laban » pour dire son affection fraternelle et sa saudade ; Carmen Tindó évoque le collègue plein d’humour, qui était aussi, quoiqu’il refusât le terme, un « maître » ; Abdulai Sila évoque l’homme courtois et généreux, militant de l’universalité de la littérature.

 

La section « compte-rendu » de cette livraison ne se limite pas au texte d’Adelaide Cristóvão, qui veut nous donner encore et toujours envie de lire, mais accueille également la présentation du livre Africa – Brasil, dans lequel est inséré un des derniers articles publiés par Michel Laban, présentation qui nous a été cédée par Charlotte Galves. D’autres compte-rendus promis ne sont pas arrivés à temps pour être inclus dans ce numéro, ils figureront dans le prochain ! Et les « Notes de Lecture » qui se glissent parmi les Publications du volet Recherche, signalent plusieurs nouveautés : allez y regarder de plus près !

 

Car, au-delà du contenu spécifique du numéro 6, Plural Pluriel propose ses Actualités, les échos de la Recherche dans le CRILUS – Séminaires, Colloques… et plus largement, la Vie de la revue, avec ses thématiques à venir.

 

Le Comité Editorial remercie ses lecteurs (déjà) fidèles et espère en accueillir toujours de nouveaux. Il tient à remercier tout particulièrement Maria José Laban et la famille Laban qui a choisi et cédé généreusement textes et photographies pour cette édition, l’UNESCO et le Centre Culturel Calouste Gulbenkian, à Paris.

 

 

 

José Manuel Da Costa Esteves

Idelette Muzart – Fonseca dos Santos

 

 

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Crédit des images de ce numéro cédées à Plural Pluriel: Famille Laban. Design de la couverture: Ingrid Peruchi d'après photo de Michel Laban.